[ cette interview
est parue dans le n°50 de la revue Cassandre
en décembre 2002]
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qu'hier, + que demain
le net-art français version pavu.com
by
: Gaëlle Tournier
"Chefs d'entreprise prospères, vous traversez une crise
de bien-être dans un monde qui vous colle à la peau : ce
week-end, venez surfer sur la vague d'un monde qui pline!" aurait
pu être l'incipit d'un site réalisé par un groupuscule
fort inventif qui faisait découvrir au monde entier une nouveau
concept de start-Up Grade : pavu.com. C'était en septembre 1999.
Début d'un conte néo-libéral où le loup
n'est pas celui qu'on croit.
Lifting sur mesure
L'histoire commence par la rencontre fortuite de trois énervés
fin de siècle. Pendant que les uns, plasticiens (Jean-Philippe
Halgand et Clément Thomas), se prennent d'indifférence
pour les beaux arts et affichent une recherche singulière sur
le net artistique 1, l'autre (Paul Dupouy)
observe les volutes de la recherche scientifique. Lorient, mars 1999
: le trio est formé et quelques mois plus tard se met en ligne.
La chasse est ouverte.
La team pavu.com pose des leurres dans l'espace numérique
en s'appuyant sur une observation des typologies et des communautés
d'intérêt qui se sont développées durant
ces dernières années sur le web : net économie,
jeux en réseau, forums de discussion, etc : "Beaucoup de
forums sont menés avec une sorte de morale. Dès que l'on
sort du sujet, il faut partir pour ne pas polluer le flux endogène
de la discussion. C'est une sorte de purification et de cloisonnements
des communications. Le web est vécu pour l'instant comme un continuum
de certains processus industriels. On parle de révolutions du
net mais les schémas qui sont servis par les producteurs et l'industrie
dure tendent vers des modules qui vont particulariser l'offre."
Miner le champ des standardisations en pratiquant ses méthodes
: un art de la guerre dont pavu.com use et abuse à loisir : "Les
éditeurs de pages web pourrissent le code pour que tu ne puisses
pas cmoprendre comment tel truc fonctionne. On te vend de la consommation
avec des vitrines qui vont s'am»liorer par les paiements s»curis»s.
Tous les pseudos mouvements alternatifs, c'»taient soit des bab' et
de la chialerie pour grands utopistes, soit un ct» "petits partis politiques",
chacun avec son juge de touche. Les vrais enjeux sont autour du langage
et du formatage des logiciels".
Sans complaisance, l'»quipe adopte trÀs vite les outils du march», d»veloppant
un discours limitrophe entre blagues d'ado. et marketing › l'am»ricaine.
Les dents grincent quand, site annonc» sous la cat»gorie net-arrt, on
d»couvre le portail de pavu.com, avec sa méthode (Invent,
Train, Walk), sa boutique en ligne (le NELia), son école
(laPITY.com). L'objet est autant étranger aux galeries d'art
commémoratives de l'espace physique - ce qui n'a rien de surprenant,
qu'aux idées reçues sur le net-art - ce qui est surprenant.
D'ailleurs, pavu.com ne s'en cache pas : ils font de l'art par défaut,
ce qui signifie que leur pratique exclut tous les domaines d'activité
(par exemple, pavu.com ne fabrique pas de petits pois...), excepté
celui de l'art, seul restant. Exit "l'œuvre", préférez
"l'objet informatif" pour décrire les réalisations
qu'ils modèlent à partir de la matière informative
2. Et le net en est un gisement inépuisable.
Avec de multiples interventions "coups de poing" en ligne
ou en live, pavu.com s'apparenterait au caractère militant d'une
génération qui défend les partaiques indépendantes
et l'espace autonome sur le web. Mais les mômes intenables dénient
l'encartement ou la mise à pied théorique : l'art c'est
faire. Dire, c'et mort. Pavu, pas pris.
Application concrète de la méthode pavu sur une journaliste
candide.
1.
Consulter pericles.org,
site archivé (1995-1999), antérieur à pavu.com,
créé par Jean-Philippe Halgand et Thierry Michelet.
2. À ce sujet, une communication
de Clément Thomas explique ce que recouvre le terme "arts
informatifs".
Cassandre : Vous êtes très présents
sur la scène du net.art international. Pour autant, vous réfutez
d'emblée cette affiliation. Alors, je vous pose la question :
Y a t-il du net.art en France ?
pavu.com : Non, il y a pavu.com *
Est-ce une des raisons pour laquelle vous avez
défini votre activité comme étant de l'art par
défaut ?
pavu.com : Non. Cette analyse de relations de
cause à effet est sans fondement. Dans la procédure par
défaut, l'art a un caractère subsidiaire par rapport à
l'art. Ce positionnement contumacial est effectif sans qu'une remise
du jugement au sens de l'art soit nécessaire.
Qu'est-ce que vous entendez par "objets
informatifs" ?
pavu.com : Nous entendons que vous n’avez
pas suffisamment répété, mais vous pouvez recommencer
: http://pavu.com/gloss-songs/GS01.htm
L'Informative
Arts Art Foundation présente une sélection de travaux
d'artistes avec une partie des liens consacrée à des textes
théoriques. Vous mettez en ligne un article anglo-français
de Marina Griznic , dont la traduction n'est ni faite, ni à faire
(merci Douglas Adams) titré "La Mise à niveau en
tant que plus".
On y découvre que pavu.com se livre à quelques exercices
acerbes envers ses petits camarades du net.art. Pour exemple, JODI.org.
Qu'est-ce que la IAAF souhaite mettre en perspective ? Un manifeste
de l'art informatif ?
pavu.com : Le titre original de l'article de Marina
Griznic est "the Upgrade as More".
Si l'élimination du bruit favorise le transport logique du code
binaire informatif sans altération, cet article révèle
en substance que 0100101110101101 est UpGradable, ce qui en rend la
lecture plus claire. Il en va de même pour la collection de l’Informative
Arts Art Foundation et ceci ressort plus du manifesté que de
quelconques manifestes.
Vous avez ouvert une boutique en ligne, le NELia,
dont le but est la circulation des objets informatifs sur le réseau
Internet en partant des filières traditionnelles du marché.
Vous avez proposé aux FRACs de voter leurs budgets 2001 en Data-Heads
afin de leur permettre d'investir sur le NELia et de faire entrer une
nouvelle génération d'artistes dans leurs collections.
Les FRACs sont restés muets. C'était en 2001.
Depuis, institutions et galeries font beaucoup d'efforts pour faire
partie de la ruée. Le net.art va-t-il être frappé
de la même accréditation exaspérante que l'art vidéo,
il y a vingt ans? Est-ce une bonne idée de placer pavu.com dans
le contexte de l'art, alors que par principe vous vous y situez par
défaut ? Encore une imposture ?
pavu.com : Le PRO-CHOICE
auquel vous faites allusion ne proposait point aux Fonds Régionaux
d’Art Contemporain de voter eux-mêmes leur propre budgets
en espaces serveurs mais aux internautes.
Le NELia (New Eco Logical informative arts) comme l’Informative
Arts Art Foundation participe de la politique de pavu.com en matière
de conservation et de circulation des objets informatifs. Vous téléchargez
une œuvre d’artiste (JODI,
Frédéric
Madre ou Valéry
Grancher par exemple), vous hébergez un patch de Data-Heads
* sur votre espace serveur et vous voilà
devenu ET Collector : non seulement vous soutenez la création
en ligne mais vous faites acte de solidarité internationale en
participant à la préservation et au développement
des GNou Found Lands,
les territoires libres du réseau!
Que vouloir de mieux ? Certes, il est vrai que l’accumulation
de cérumen est un caractère récurrent chez les
lemmings et les danseuses de menuet. Mais pour les pronostics, I
Talk 2 my Horse devrait vous aider durablement dans vos paris.
Choisir entre la soupe et le laurier une troisième possibilité,
porte un nom: the Next Route plining.
L'actuel portail de pavu.com se présente
en anglais avec trois entrées : Invent, Train, Walk. On hésite
entre modèle ou modèlisation de l'entreprise à
l'américaine. En mettant en scène les outils de l'économie
de marché et en affirmant un principe de réalité,
pavu.com serait-il le chantre d'une esthétique néo-libérale
? Vous avez le droit d'aimer Warhol.
pavu.com : Tant d’obstination dans l’herméneutique
force l’admiration.
Vous venez d’énumérer les trois principaux points
d’accès aux activités de pavu.com :
- Invent : le travail de recherche et l'application
- Train : l'Ecole de formation à l'En-gArde!
- Walk : la mise au pas !
Qu'entendez-vous par "monde réalisé"
?
pavu.com : La même chose que vous quand
vous l'écoutez ... le silence ...
Vous invitez les jeunes talents à se
joindre à l'Institut
de pavu.com pour les jeunes talents. Vous engagez par ailleurs des
workshops dans différentes écoles d'art.
Que souhaitez transmettre aux générations futures ? Un
monde qui pline ? (c'est quoi?)
pavu.com : Les TuTors du Pavu.com Institute
for Talents Young prodiguent l'enseignement de l'En-gArde. Du décrassage
- "ScrubBbing p0uLe" - jusqu'au diplôme - "Mercy
P-degree" - via l'épreuve du "Shit Emergency",
les TuTes sont parachutés sur un terrain hostile où le
savoir standard ne leur est d'aucune utilité s'il n'est pas dopé
à l'upgrade. En clair, une fois la pesanteur vaincue,
leurs moonBoots surpassent la plus fine savate.
Quels sont vos prochains projets pour pavu.com
?
pavu.com : The Next Route plining !
*.
pavu.com. paul Dupouy, Chief Président; Jean-Philippe
Halgand, Executive Directeur; Clément Thomas, Officer
Général.
** Littéralement "têtes de données"
: unité de valeur calculée en kilo-octets sur laquelle
reposent les transactions économiques au sein du NELia. Un Data-Head
est égal à 6,96 kilo-octets quel que soit le poids de
sa représentation graphique.